Birmanie, acte I : MANDALAY

Publié le par Lucie

Chose promise, chose due : je redonne vie à ce blog et je choisis de démarrer cette résurrection en parlant de la Birmanie.

 

 

Comment faire autrement quand l'on sait à quel point ce voyage m'a bouleversée... Sous différents aspects d'ailleurs : un cadre époustouflant et authentique, un peuple qui n'a somme toute pas grand chose, même pas cette liberté dont nous occidentaux ne nous rendons plus forcément compte, mais une générosité, une volonté de partage, et une persévérance dans la vie indéfectibles... J'ai aussi été bouleversée par des conversations "interdites" que j'ai eu la chance d'avoir. Par l'approche de ce pays au bouddhisme. Bouleversée par une douloureuse ambiguité : celle de voir l'oppression de la junte militaire en place, qualifiée par les plus hautes instances internationales comme le plus dur régime au monde avec la Corée du Nord (et oui, quand on ouvre les yeux, on voit, on sent, et je dirais même, on craint), se marier, se fondre, se diluer jusqu'à s'y méprendre, dans des paysages si féériques qu'on n'en l'oublierait volontiers. Je ne parlerai pas tout de suite de cela, même si évidemment, il faut en parler. Je peux juste dire que ce voyage a confirmé mes grandes ambitions de changer le monde dans lequel je vis... ambitions, rêves, utopies, projets... je ne sais pas de quoi il retourne réellement. Mais c'est vital. On ne peut pas voir et ne pas agir ensuite. Les 3 lettres ONU se sont faites bien sûr encore plus présentes dans mon esprit, en caractères gras police 72. Je n'avais pas la même impression en rentrant du Vietnam. Le peuple birman ne peut pas s'en sortir sans une aide internationale. Et il est bien trop résigné aujourd'hui, trop affaibli et éprouvé, pour envisager même de se battre... La junte militaire fait de son mieux pour injecter de l'oubli dans toutes ces vies, et elle y parviendra certainement... Avec un appui du gouvernement chinois inconditionnel, à la fois financier et politique. Depuis les derniers vetos apposés au Conseil de Sécurité de l'ONU le 12 janvier dernier, on dirait bien qu'il n'y a plus d'espoir. Si cette question vous intéresse, je vous renvoie à l'article du Monde suivant : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3216,36-855026,0.html.

 

Je ne sais pas comment défendre pour l'heure la cause de la Birmanie et de son peuple, alors je vais me contenter de vous parler, à mon petit niveau, de mon beau voyage, celui qui m'a ouvert les yeux sur le décor époustouflant de ce pays, mais aussi sur l'envers du décor. La Birmanie, dont j'ai pu découvrir les villes et régions entourées en rouge sur la carte ci-dessous, c'est ça :

 

La première étape de ce voyage a été la ville d'Amarapura suivie de Mandalay. Je vous épargne les leçons d'histoire que nous avons reçues de la part de notre guide et ami Zaw (que Guillaume et moi avions pour nous tous seuls!)... On résumera en disant que toutes deux sont d'anciennes capitales royales.

 

Ce que j'y ai vécu ? Une immersion dans le monastère Mahagandayon, où vivent et étudient plus d'un millier de moines bouddhistes. La découverte de la veine du Bouddha du monastère Shwenandaw, qui chaque jour est recouvert de feuilles d'or de la part des Birmans... en un siècle, des dizaines et des dizaines de centimètres d'or ont été gagnés jusqu'à déformer complètement ses pieds. La blancheur immaculée des 729 stèles de marbre blanc de la pagode Kuthodaw, sur lesquelles est gravé tout l'enseignement du Buddha. Au coeur de cette pagode, nous avons entendu une voix chanter. "Tiens, ici aussi il y a des ayatollahs ?" D'une part, l'homme que l'on entendait ne chantait pas mais récitait. D'autre part, il s'agissait d'un moine bouddhiste, récitant la première leçon du Buddha pour la préserver de l'oubli. Pas très efficace quand on sait qu'il le faisait en sanskrit... Or, les birmans parlent... bah le birman bizarrement. Néanmoins, si nos tympans se sont un peu essoufflés, nos pieds nus ont apprécié le répit que nous offrait un sol blanc sous un soleil de plomb... (comme dirait Guigui, c'est une question de corps noirs).

Nous avons aussi, et surtout, été plongés dans l'intimité de quelques vieux moines bouddhistes, au fin fond de Mandalay. Avec une gentillesse et une gratitude que nous recevions sans vraiment les comprendre, ils nous montré des reliques du Buddha, des os datant de 544 avant JC (grosso modo). Ces reliques ne sont plus exposées au public, le peuple birman raffolant plus de ce qui brille et de tout le faste associé ordinairement aux représentations symboliques du Buddha. Il faut dire aussi que l'impératif de conservation est entré en ligne de compte. Quoiqu'il en soit, nous nous sommes sentis privilégiés. Plus encore: c'est comme si ces moines, pour une raison ou pour une autre, avaient décidé de nous faire confiance sans même nous connaître, et de nous mettre "dans le secret". Et quelle émotion quand ces reliques étaient là, devant nous, entourées de 4 moines... L'un d'eux a mobilisé toutes ses vieilles connaissances en anglais pour nous conter l'histoire de ces reliques et leur parcours à travers les âges. Nous l'écoutions avidement, comme si nous l'avions toujours connu. Le plus frappant fut de voir ces moines habités par une joie profonde : ils semblaient si heureux de posséder ces reliques, encore plus que nous nous y intéressions. Ils en parlaient avec une telle passion, une telle étincelle dans le regard, que cette effervescence spirituelle nous gagnait peu à peu. Je ne sais pas ce qu'il y avait dans l'air ce soir là... Nous étions si émus... Quelque chose de tellement fort régnait que Zaw s'en est prosterné, chose qu'il n'a jamais faite dans aucune autre pagode. Et pourtant, c'était pas les Buddhas qui manquaient ! Nous avons ensuite assisté à un coucher du soleil splendide sur Mandalay, avec le fleuve Irrawady en fond... Avec le recul, nous en avons vu des choses magnifiques et dépaysantes à souhait, mais ces moines... mon dieu, ces moines... ils nous ont transmis un je ne sais quoi qui fait qu'il nous ont marqués plus que tout autre... Le moment que nous avons passé avec eux était profondément magique. 

 

 

 

Je parle, je parle, mais voici tout de suite quelques images de Mandalay et Amarapura, des tranches de vie aussi. Peut-être tomberez-vous comme nous sous le charme...

 

 

 

Malgré la force et la beauté de ces photos (je ne suis peut-être pas objective, mais c'est sentimental), je dois aussi notifier que j'ai découvert  ce qu'était un regard assassin. Plusieurs même. Aux portes du palais royal de Mandalay, un groupe de 4 militaires, que j'ignorais (et Dieu sait que je prenais sur moi), a remarqué que j'avais sur moi un appareil photo. Soupçonnant, à peine paranoïaques, que je ne sois en fait en Birmanie que pour immortaliser leur visage sur une de mes cartes mémoire de 2Ga, et éventuellement mettre leur tête à prix, ils ont immédiatement pris à parti Zaw à notre plus grande surprise. Nous avons du très vite déguerpir, et penser à Zaw. A son angoisse. Ne jamais s'énerver. Ne jamais crier à l'injustice. Penser à ceux qui nous entourent et qui prendront pour nous pour un oui ou pour un non. On oublie un temps la dictature qu'elle se rappelle à nous immanquablement. Et ces militaires étaient partout dans Mandalay. Vous comprenez peut-être maintenant pourquoi on est toujours tenté de mettre un mais à une phrase qui commence par "c'est tellement beau"... A partir de ce jour, Zaw n'a eu de cesse de nous demander si nous étions des espions. Si Guillaume avait dit ce qu'il faisait dans la vie, il en aurait fait pipi dans sa culotte... Et moi aussi je crois.

 

 

J'ai envie de finir cet article par une phrase de Zaw : "Lucie, ce que toi tu trouves sublime, nous ici on appelle ça la misère".

 

Publié dans BIRMANIE

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