Anachronisme : sortez vos mouchoirs!

Publié le par Lucie

Bonsoir à tous.

Je me permets un fulgurant saut en avant par rapport à mon dernier article, tant le besoin est fort de vous conter ma journée d'hier... Je laisse donc en suspens, mais bien momentanément je vous rassure, le rapport de mes formidables aventures au Québec avec mon Guillaume. J'ai en fait vécu hier une journée loin d'être banale. Encore aujourd'hui j'ai du mal à réaliser que cette journée riche en émotions fut bien réelle...

Hier, c'était un jour J aussi, le jour du retour de mon Guillaume pour la France. Forcément, l'émotion ne pouvait qu'être au rendez-vous. Mais on essayait de se concentrer sur les moments absolument magiques passés ensemble les 12 derniers jours. Ce qui fait que le retour pour Montréal s'annonçait plutôt dans l'allégresse et la bonne humeur (j'exagère un poil... un poil de portugaise, hein, on est d'accord). On est reparti pour Montréal par le même système de covoiturage qu'à l'aller, Allôstop. Outre des prix défiant toute concurrence, c'est un moyen efficace pour faire de jolies rencontres. Et hier matin, nous avons fait une rencontre marquante, folle, lourde, décisive... Mathieu le conducteur était un jeune homme québécois très cool et branché Mickey 3D, et le troisième passager... un homme congolais d'une quarantaine d'années. Cet homme, d'une grande générosité, nous a conté son histoire. Je ne rentrerai pas dans les détails, tellement cet homme a vécu un enfer ; par respect pour lui, je ne voudrais pas galvauder son cauchemar. Disons qu'il y a 12 ans, cet homme, délégué syndical d'une province ayant à coeur de plaider la cause des honnêtes travailleurs (grave erreur dans un régime non démocratique...), a été contraint de fuir son pays, après que les militaires pour un motif bien évidemment infondé, aient débarqué en pleine nuit chez lui à 1h du matin, aient violé sa femme de la plus cruelle des façons devant lui avant de le battre et de l'emprisonner. Par je ne sais quel miracle, cet homme a pu s'évader de son sort, est resté dans un camp de réfugiés kenyan durant 7 longues années, sans aucune nouvelle de sa famille, ni de sa femme, ni de ses 2 enfants, âgés de 4 et 9 ans la nuit où sa vie a basculé). Il y a 5 ans, cet homme a obtenu le statut de réfugié politique au Canada. Les procédures d'immigration étant ce qu'elles sont au Canada, sa famille n'a pas pu le rejoindre. Ce qui dans le cas présent est une aberration, car sa femme et ses deux enfants sont véritablement en danger au Congo. Ils ne doivent leur survie qu'à la protection d'un commandant militaire, membre de la famille de la femme, mais qui pour autant n'a pas pu empêcher son viol par ses propres collègues... Mais c'est avec un optimisme sans faille, une volonté d'avancer, de rattraper le temps perdu, que cet homme nous a annoncé que le Canada avait enfin accepté d'accueillir sa femme et ses deux enfants, avec le même statut de réfugié politique. Il s'apprête à les recevoir à Québec dans 3 ou 4 mois. Son fils a aujourd'hui 21 ans, et rêve de devenir médecin. Sa fille a 16 ans. Cela fait en tout et pour tout 12 ans qu'il attend de les revoir. 12 longues années. Dont 7 passées sans savoir si les gens qu'il aimait le plus en ce monde étaient encore en vie. A force de persévérance, voilà que ses prières ont été exaucées. L'histoire de cet homme, de cette famille déchirée, écartelée, brisée, m'a bouleversée. C'est facile de prendre connaissance de ce qui se passe dans le monde, via la presse, les médias en général. J'ai toujours eu le sentiment de me sentir concernée. Mais mon Dieu, quand on a devant soi, un homme, en chair et en os, qui témoigne, avec la plus grande humilité et les larmes qui montent, du chaos qui règne dans certains pays, c'est une douche froide qu'on se prend. Et une bonne dose de culpabilité nous assaille. Parce qu'on sait ce qui se passe dans le monde et qu'on ne fait rien, ou qu'on croit ne rien pouvoir faire. L'impuissance est un sentiment très frustrant, mais je voulais faire quelque chose pour cet homme. Modestement, et presque la tête baissée, je n'ai pu que lui donner toutes mes coordonnées, en le priant de ne pas hésiter à me contacter quand ses enfants seraient enfin auprès de lui... Ils seront dans la même université que moi, peut-être pourrais-je leur être utile, d'autant plus que la rentrée scolaire sera déjà bien entamée. Alors que j'avais presque honte de ne pouvoir proposer qu'une aide aussi ridicule (en l'occurrence, un mariage blanc n'aurait été d'aucun secours), cet homme m'a répondu avec un grand sourire, m'assurant qu'il me joindrait à son retour à Québec. Nous nous sommes séparés à Montréal. Guillaume et moi avions bien conscience d'avoir vécu quelque chose d'assez fort. En tant que militaire français, je pense que Guillaume a d'autant plus reçu ce témoignage poignant comme un coup de fouet. Car les militaires étrangers présents là bas (français notamment) n'ont rien fait.

Nous avons entendu cet homme parler d'un génocide perpétré au Congo dans l'indifférence générale,qui serait encore plus important que celui de leur voisin Rwanda, mais qui serait encore aujourd'hui passé sous silence. Nous avons entendu toute l'amertume de cet homme, qui alors même que les résultats des premières élections démocratiques de la république du Congo se faisaient attendre, était résigné à ce que ces résultats soient fabriqués pour des intérêts autres que celui du peuple congolais.


Qu'ajouter à cela? Guillaume et moi sommes retournés au restaurant qui nous avait accueillis pour notre premier soir à Montréal. Nous sommes décidés, lui comme moi, à sauter à pieds joints dans une relation à distance... Quelques mois d'attente, qu'est-ce quand certains parviennent à s'attendre 12 ans... Nous verrons bien. J'ai toujours dit que seul un homme qui m'attendrait en France pourrait me faire quitter le Québec à l'issue de mon cursus MBA à l'université Laval. Alors que mes soeurs se rassurent, Guillaume m'attend. Et à l'entendre, ce sera les doigts dans le nez.

 

 Je rentrerai pour un homme, et aussi pour un petit bout d'ange qui est né le 16 août à 15h30 et qui répond au doux prénom d'Elsa... Ma nièce. Je passe un appel : j'offre une très grosse récompense à quiconque réussira à extorquer des photos aux heureux parents et à me les envoyer. Je veux voir ma petite puce à défaut de pouvoir la prendre dans mes bras !!! Lili, Olivier, je vous en conjure, faites un geste... Ou envoyez-moi Elsa en colis Chronopost s'il faut !

Hier j'ai donc raccompagné mon amour à l'aéroport... Il paraît que les vigils chargés du contrôle des bagages cabines ont regardé très bizarrement ses yeux rougis... Pas de liquide à bord, c'est pas de liquide à bord, les nouvelles règles de sécurité sont très strictes! Ravale tes larmes mon grand, ou c'est la zonzon!

Je suis ressortie seule de cet aéroport, un peu triste je ne vous le cache pas... Je me suis arrêtée à un DUNKIN DOONUT pour noyer mon chagrin dans un savoureux muffin 5 fruits... Mon Dieu ce que le chagrin a du bon parfois...  J'étais d'attaque pour refaire Montréal-Québec le soir même, via Allôstop toujours. Je n'espérais qu'une chose, que ce retour soit reposant... Ce fut un retour exclusivement féminin : 4 nanas de 20 à 25 ans. Geneviève conduisait, Marie-Hélène était sa coloc, et Sabrina (le salut sur le choix de son prénom vient du fait que sa grand mère était italienne) était la seconde passagère avec moi. Nous nous sommes très bien entendues. Je me suis aperçue que Guillaume avait raison. Dans un groupe de québécois, je ne parle plus français. On voit que je lutte pour contenir les intonations de ma voix, mais je finis toujours par lâcher les vannes. Et là en l'occurrence c'était la fête du slip. On a parlé de nos cheums, du spot de Geneviève sur un mec, on a laché nos body au son du dernier album du groupe folk rock "Les cowboys fringuants". Enormissime. 

Et puis Sabrina s'est confiée à moi. On a vraiment eu un bon feeling toutes les 2. Gérante d'une boutique de lingerie (très bon point pour amorcer une belle amitié), parlant le portugais avec un accent québécois savoureux, elle m'a confié qu'elle recourait aux services d'allôstop à cause d'un très gros traumatisme : un accident de la route tragique alors qu'elle n'avait que 5 ans lui a coûté la vie de sa mère, des semaines de coma et des séquelles à vie. Ne connaissant que très peu son père, c'est sa grand mère paternelle qui l'a élevée, mais qui l'a oubliée il y a quelques années quand Alzheimer a pris le dessus sur elle (mal dont a souffert sa grand mère maternelle également). C'est encore pleine d'émotion que je l'écoutais me parler : pleine de vie, elle me disait combien elle luttait pour garder les quelques souvenirs qui lui restent de sa mère quand ses deux grands mamans l'ont oubliée du jour au lendemain.

Je suis arrivée dans mon appartement à 22h et des brouettes. J'ai bien marché une heure avant de me coucher, sous le magnifique ciel étoilé de Québec. Et je me suis endormie avec la conviction d'être une incroyable chanceuse.

J'ai un chéri qui m'aime comme un fou prêt à m'attendre deux ans quand certains passent des décennies entières à s'attendre.

 Rectification : j'ai un chéri beau à mourir avec des yeux verts à tomber par terre qui m'aime comme un fou et qui m'attend.

 

J'ai vécu avec ma maman 17 longues années quand certains n'ont eu le droit qu'à quelques maigres années et doivent vivre sans presque aucun souvenir. J'ai une famille et des amis en France qui ne m'oublient pas (enfin je crois : vous confirmez ou pas?). Je vis dans un pays où la chaleur humaine des habitants est époustouflante et où les paysages sont sublimes. Dans un pays libre où j'ai le droit de dire non, oui, peut-être, "tabernacle", "ta farme tu ta yeule" quand le coeur m'en dit...

Que puis-je demander de plus?

Oh si, une chose : une photo d'Elsaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !!!

Publié dans Divers et (a)variés

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V
Sympa ton blog . Je reviendrai assurément lire et voir.<br />  <br /> <br /> La beauté est notre alliée.<br />  <br /> <br /> La poésie est un chemin.<br />  <br /> <br /> La sagesse ? Si elle pouvait être le moteur de ce monde ici et ailleurs...<br />  <br /> <br /> Et l'amour .. Et la poésie de la vie<br />  <br /> <br /> Partage photos paysages, la sagesse se découvre-t-elle au fond d'un regard, dans la strie d'une vieille pierre???  Je le pense en regardant certaines photos, certains portraits, certaines pierres anciennes...  Et la poésie est présente ...Viens voir.<br />  <br /> <br /> Je t’invite à venir te balader sur mon blog :PARTAGES PHOTOS PAYSAGES AVIS SOCIETE SPORT EDUCATION coups de gueule à gauche et à droite<br />  <br /> <br /> Vincent<br />  <br />
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M
moi je dis "Banco" !     ;-))))))<br />  <br /> BISOUSSSSSSSS d'agde
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L
Marine, Angeline,<br /> Que diriez-vous d'un PACS ?<br /> Je dis ça, je dis rien, mais bon, je vous aime fort fort fort quand même...
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M
FELICITATIONS à la maman et bienvenue à la petite Elsa qui a une tata formidable qui sera toujours là pour elle !!!<br /> Ma petite Lucie je me joins à Angeline (à qui je souhaite de bonnes vacs à Bastia) pour te dire que oui, nous t'attendrons 2 ans s'il le faut, mais je doute que je puisse attendre autant de temps sans venir te voir !<br />  Et je remercie Guillaumed e ne pas être un gros salaud comme tant d'autres !!! Lui au moins il voit qu'il a trouvé une perle rare et sait saisir sa chance !!! <br /> Alors beaucoup de bonheur à vous deux et à très bientôt  j'espère.<br /> Marine
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A
Et béh que d'émotions :-( Y'a que toi pour tomber sur des situations comme ça dis donc!<br /> Félicitations à l'heureuse Tata pour la naissance de la petite Elsa. Je suis sûre que même à distance, tu seras la plus gaga des tatas.<br /> Bon j'ai un avion dans 1h pour Bastia faut ptet que jme bouge un peu :p<br /> A+ miss, ta Gigi (qui t'attendra aussi 2 ans loooo)
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